« En Hongrie ou en Pologne, les logiciels espions font partie d’un système politique »


Sophia In’t Veld, le 8 septembre, à Bruxelles.

Lorsqu’elle s’assoit pour répondre aux questions du Monde, mardi 8 novembre, la députée européenne Sophia In’t Veld (groupe Renew) vient de recevoir un SMS suspect. Une tentative de piratage de son téléphone par le logiciel espion Pegasus ? « Je ne pense pas. Je ne suis pas une cible, tout ce que je fais est public. »

Deux heures plus tôt, elle a en effet rendu public le rapport préliminaire de la commission d’enquête parlementaire consacrée aux logiciels espions et lancée après les révélations du consortium « Projet Pegasus », dont Le Monde faisait partie. Sur 150 pages, le rapport dresse un méticuleux état des lieux de l’utilisation, en Europe, des logiciels espions hors du cadre légal.

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Un problème européen

Quatre pays de l’Union sont suspectés d’avoir utilisé illégalement ces logiciels à des fins politiques. En Hongrie et en Pologne, des opposants au pouvoir ont été ciblés ; en Espagne, des dizaines de militants pour l’indépendance de la Catalogne ont été mis sous surveillance, tout comme des journalistes et des élus d’opposition en Grèce. Le sujet est d’ailleurs toujours violemment d’actualité : au cours du week-end, une liste de trente nouvelles victimes présumées du logiciel espion Predator a été publiée par un magazine grec. Elle comporte aussi bien des élus de l’opposition que des membres du gouvernement au pouvoir.

« Dans certains pays, comme la Hongrie ou la Pologne, ces logiciels font partie d’un système politique », dont le but est de « contrôler et même opprimer les citoyens critiques à l’égard du gouvernement », estime Mme In’t Veld. Le rapport détaille non seulement les multiples piratages ayant visé, en Pologne, des leaders d’opposition, mais aussi la lente érosion des garde-fous et protections juridiques censées éviter les abus.

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Le document ne se contente pas de lister les victimes d’espionnage illégal, ni les probables commanditaires : il dessine aussi les contours d’un écosystème très européen, dans lequel plusieurs pays jouent un rôle clef dans le développement, la vente ou le financement de ces logiciels. L’Irlande et son régime fiscal accueillant pour des entreprises de surveillance ; Chypre et la Bulgarie, d’où sont vendues ces technologies ; la République tchèque, qui accueille le principal salon professionnel dédié ; ou encore la Grèce, l’Italie ou la France, où des entreprises développent et exportent ces armes numériques.

« Tous les Etats membres de l’Union ont accès à des logiciels espions. Tous n’en abusent pas, mais tous font partie du système », note l’eurodéputée :

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